Site icon Tania-Soleil Journal

Николай Заболоцкий «Лицо коня» на французском языке

лошадь

Лицо коня

Животные не спят. Они во тьме ночной
Стоят над миром каменной стеной.

Рогами гладкими шумит в соломе
Покатая коровы голова.
Раздвинув скулы вековые,
Ее притиснул каменистый лоб,
И вот косноязычные глаза
С трудом вращаются по кругу.

Лицо коня прекрасней и умней.
Он слышит говор листьев и камней.
Внимательный! Он знает крик звериный
И в ветхой роще рокот соловьиный.

И зная все, кому расскажет он
Свои чудесные виденья?
Ночь глубока. На темный небосклон
Восходят звезд соединенья.
И конь стоит, как рыцарь на часах,
Играет ветер в легких волосах,
Глаза горят, как два огромных мира,
И грива стелется, как царская порфира.

И если б человек увидел
Лицо волшебное коня,
Он вырвал бы язык бессильный свой
И отдал бы коню. Поистине достоин
Иметь язык волшебный конь!
Мы услыхали бы слова.
Слова большие, словно яблоки. Густые,
Как мед или крутое молоко.
Слова, которые вонзаются, как пламя,
И, в душу залетев, как в хижину огонь,
Убогое убранство освещают.
Слова, которые не умирают
И о которых песни мы поем.

Но вот конюшня опустела,
Деревья тоже разошлись,
Скупое утро горы спеленало,
Поля открыло для работ.
И лошадь в клетке из оглобель,
Повозку крытую влача,
Глядит покорными глазами
В таинственный и неподвижный мир.

Николай Заболоцкий (1903-1958)

Le visage du cheval

Les animaux ne dorment pas.
Ils se dressent dans les ténèbres de la nuit,
Muraille de pierre en contre-haut du monde.

Les vaches inclinent la tête, susurrements de paille
Autour des cornes lisses, tandis que l’œil balbutie des cercles
Entre le front rocheux et les pommettes séculaires.

Le visage du cheval est le plus beau et le plus sage.
Il connaît le dialecte des pierres, l’idiome du feuillage.
Attentif au parler des bêtes, il entend
L’appel du rossignol dans les taillis.

Instruit de ces choses, à qui fera-t-il part
De tant de merveilles ?
Profonde est la nuit. À l’horizon se lèvent
Des grappes d’étoiles.
Et le cheval est là, paladin des heures
A la robe souple où le vent joue.
Sa crinière s’éploie, pourpre impériale,
Ses yeux brûlent, mondes immenses.

S’il voyait ce visage de magie,
Arrachant de sa propre bouche une langue impuissante
L’homme la céderait au cheval. Il en est digne, en vérité,
L’animal sublime !

Nous entendrions alors des mots
Charnus comme des pommes, aussi drus
Que des flots de miel ou de lait fermenté.
Des mots pareils au feu pénétrant
Qui progresse jusqu’à l’âme et donne lumière
À son pauvre décor de cambuse.
Des mots sans mort et sans déclin,
Motifs de tous nos chants.

Mais les écuries maintenant sont désertes,
Les arbres aussi se sont dispersés,
Une aube avare drape les monts,
Les champs et les guérets s’ouvrent au travail.
Et le cheval, captif des brancards,
Traînant un chariot bâché,
Regarde d’un œil humble
Le monde impassible et silencieux.

Nikolaï Zabolotski,
traduit du russe par Jean-Baptiste Para

Le visage du cheval

Les animaux ne dorment pas. Partout sur terre
ils se dressent la nuit en muraille de pierre.

La vache, tête fuyante,
fait bruisser la paille avec ses cornes lisses.
Ecartelées ses pommettes séculaires
par un front bien trop pesant,
voilà que ses yeux bégaient
et non sans mal tournent en rond.

Plus beau et intelligent, le visage du cheval.
Il entend les pierres, les feuilles qui parlent,
il saisit le cri des bêtes sauvages
et les trilles du rossignol dans la forêt sans âge.

Il sait tout, mais à qui pourrait-il
raconter ses visions sans égal ?
Nuit profonde. Au firmament
montent et se regroupent les étoiles.
Et le vent joue avec les poils légers
du cheval de faction, tel un chevalier.
Ses yeux brûlent – deux mondes immenses –
et sa crinière ondoie comme une pourpre impériale.

Si seulement l’homme pouvait voir
le visage envoûtant du cheval,
il s’arracherait la langue, si impuissante,
pour la lui donner. Vraiment, n’est-il pas digne
de parler, le cheval prodigieux ?
Nous entendrions ses paroles,
ses mots plus ronds que des pommes. Epais
comme un miel ou comme un lait qui monte.
Des mots plus perçants qu’une flamme
et qui venus incendier la chaumière de l’âme
éclairent son pitoyable décor.
Des mots qui ne pourraient pas mourir
et que nous tresserions dans nos chants.

Mais l’écurie s’est vidée,
les arbres se sont égaillés,
un matin chétif emmaillote les collines
et ouvre les champs aux travaux.
Encagé dans les brancards le cheval
tire à grand-peine un chariot couvert,
en regardant d’un œil résigné
ce monde mystérieux et figé.

Nikolaï Zabolotski, 1926-1927
Traduir par Henri Abril

Похожие публикации:

Exit mobile version