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Alphonse de LAMARTINE «Bonaparte»

Наполеон Бонапарт

Стихотворение Альфонса де Ламартина «Бонапарте» на французском и русском языках.

Bonaparte

Sur un écueil battu par la vague plaintive,
Le nautonier de loin voit blanchir sur la rive
Un tombeau près du bord par les flots déposé;
Le temps n’a pas encor bruni l’étroite pierre,
Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre
On distingue… un sceptre brisé!

Ici gît… point de nom!… demandez à la terre!
Ce nom? il est inscrit en sanglant caractère
Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar,
Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves,
Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d’esclaves
Qu’il foulait tremblants sous son char.

Depuis ces deux grands noms qu’un siècle au siècle annonce,
Jamais nom qu’ici-bas toute langue prononce
Sur l’aile de la foudre aussi loin ne vola.
Jamais d’aucun mortel le pied qu’un souffle efface
N’imprima sur la terre une plus forte trace,
Et ce pied s’est arrêté là!…

Il est là!… sous trois pas un enfant le mesure!
Son ombre ne rend pas même un léger murmure!
Le pied d’un ennemi foule en paix son cercueil!
Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne,
Et son ombre n’entend que le bruit monotone
D’une vague contre un écueil!

Ne crains rien, cependant, ombre encore inquiète,
Que je vienne outrager ta majesté muette.
Non. La lyre aux tombeaux n’a jamais insulté.
La mort fut de tout temps l’asile de la gloire.
Rien ne doit jusqu’ici poursuivre une mémoire.
Rien!… excepté la vérité!

Ta tombe et ton berceau sont couverts d’un nuage,
Mais pareil à l’éclair tu sortis d’un orage!
Tu foudroyas le monde avant d’avoir un nom!
Tel ce Nil dont Memphis boit les vagues fécondes
Avant d’être nommé fait bouilloner ses ondes
Aux solitudes de Memnom.

Les dieux étaient tombés, les trônes étaient vides;
La victoire te prit sur ses ailes rapides
D’un peuple de Brutus la gloire te fit roi!
Ce siècle, dont l’écume entraînait dans sa course
Les mœurs, les rois, les dieux… refoulé vers sa source,
Recula d’un pas devant toi!

Tu combattis l’erreur sans regarder le nombre;
Pareil au fier Jacob tu luttas contre une ombre!
Le fantôme croula sous le poids d’un mortel!
Et, de tous ses grands noms profanateur sublime,
Tu jouas avec eux, comme la main du crime
Avec les vases de l’autel.

Ainsi, dans les accès d’un impuissant délire
Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire
En jetant dans ses fers un cri de liberté,
Un héros tout à coup de la poudre s’élève,
Le frappe avec son sceptre… il s’éveille, et le rêve
Tombe devant la vérité!

Ah! si rendant ce sceptre à ses mains légitimes,
Plaçant sur ton pavois de royales victimes,
Tes mains des saints bandeaux avaient lavé l’affront!
Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même,
De quel divin parfum, de quel pur diadème
L’histoire aurait sacré ton front!

Gloire! honneur! liberté! ces mots que l’homme adore,
Retentissaient pour toi comme l’airain sonore
Dont un stupide écho répète au loin le son :
De cette langue en vain ton oreille frappée
Ne comprit ici-bas que le cri de l’épée,
Et le mâle accord du clairon!

Superbe, et dédaignant ce que la terre admire,
Tu ne demandais rien au monde, que l’empire!
Tu marchais!… tout obstacle était ton ennemi!
Ta volonté volait comme ce trait rapide
Qui va frapper le but où le regard le guide,
Même à travers un cœur ami!

Jamais, pour éclaircir ta royale tristesse,
La coupe des festins ne te versa l’ivresse;
Tes yeux d’une autre pourpre aimaient à s’enivrer!
Comme un soldat debout qui veille sous les armes,
Tu vis de la beauté le sourire ou les larmes,
Sans sourire et sans soupirer!

Tu n’aimais que le bruit du fer, le cri d’alarmes!
L’éclat resplendissant de l’aube sur tes armes!
Et ta main ne flattait que ton léger coursier,
Quand les flots ondoyants de sa pâle crinière
Sillonnaient comme un vent la sanglante poussière,
Et que ses pieds brisaient l’acier!

Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans murmure!
Rien d’humain ne battait sous ton épaisse armure :
Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser :
Comme l’aigle régnant dans un ciel solitaire,
Tu n’avais qu’un regard pour mesurer la terre,
Et des serres pour l’embrasser!
…………………………………………….
S’élancer d’un seul bon au char de la victoire,
Foudroyer l’univers des splendeurs de sa gloire,
Fouler d’un même pied des tribuns et des rois;
Forger un joug trempé dans l’amour et la haine,
Et faire frissonner sous le frein qui l’enchaîne
Un peuple échappé de ses lois!

Etre d’un siècle entier la pensée et la vie,
Emousser le poignard, décourager l’envie;
Ebranler, raffermir l’univers incertain,
Aux sinistres clarté de ta foudre qui gronde
Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde,
Quel rêve! et ce fut ton destin!…

Tu tombas cependant de ce sublime faîte!
Sur ce rocher désert jeté par la tempête,
Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau!
Et le sort, ce seul dieu qu’adora ton audace,
Pour dernière faveur t’accorda cet espace
Entre le trône et le tombeau!

Oh! qui m’aurait donné d’y sonder ta pensée,
Lorsque le souvenir de te grandeur passée
Venait, comme un remords, t’assaillir loin du bruit!
Et que, les bras croisés sur ta large poitrine,
Sur ton front chauve et nu, que la pensée incline,
L’horreur passait comme la nuit!

Tel qu’un pasteur debout sur la rive profonde
Voit son ombre de loin se prolonger sur l’onde
Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours;
Tel du sommet désert de ta grandeur suprême,
Dans l’ombre du passé te recherchant toi-même,
Tu rappelais tes anciens jours!

Ils passaient devant toi comme des flots sublimes
Dont l’oeil voit sur les mers étinceler les cimes,
Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux!
Et, d’un reflet de gloire éclairant ton visage,
Chaque flot t’apportait une brillante image
Que tu suivais longtemps des yeux!

Là, sur un pont tremblant tu défiais la foudre!
Là, du désert sacré tu réveillais la poudre!
Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain!
Là, tes pas abaissaient une cime escarpée!
Là, tu changeais en sceptre une invincible épée!
Ici… Mais quel effroi soudain?

Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue?
D’où vient cette pâleur sur ton front répandue?
Qu’as-tu vu tout à coup dans l’horreur du passé?
Est-ce d’une cité la ruine fumante?
Ou du sang des humains quelque plaine écumante?
Mais la gloire a tout effacé.

La gloire efface tout!… tout excepté le crime!
Mais son doigt me montrait le corps d’une victime;
Un jeune homme! un héros, d’un sang pur inondé!
Le flot qui l’apportait, passait, passait, sans cesse;
Et toujours en passant la vague vengeresse
Lui jetait le nom de Condé!…

Comme pour effacer une tache livide,
On voyait sur son front passer sa main rapide;
Mais la trace du sang sous son doigt renaissait!
Et, comme un sceau frappé par une main suprême,
La goutte ineffaçable, ainsi qu’un diadème,
Le couronnait de son forfait!

C’est pour cela, tyran! que ta gloire ternie
Fera par ton forfait douter de ton génie!
Qu’une trace de sang suivra partout ton char!
Et que ton nom, jouet d’un éternel orage,
Sera par l’avenir ballotté d’âge en âge
Entre Marius et César!
…………………………………………….
Tu mourus cependant de la mort du vulgaire,
Ainsi qu’un moissonneur va chercher son salaire,
Et dort sur sa faucille avant d’être payé!
Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse,
Et tu fus demander récompense ou justice
Au dieu qui t’avait envoyé!

On dit qu’aux derniers jours de sa longue agonie,
Devant l’éternité seul avec son génie,
Son regard vers le ciel parut se soulever!
Le signe rédempteur toucha son front farouche!…
Et même on entendit commencer sur sa bouche
Un nom!… qu’il n’osait achever!

Achève… C’est le dieu qui règne et qui couronne!
C’est le dieu qui punit! c’est le dieu qui pardonne!
Pour les héros et nous il a des poids divers!
Parle-lui sans effroi! lui seul peut te comprendre!
L’esclave et le tyran ont tous un compte à rendre,
L’un du sceptre, l’autre des fers!
…………………………………………….
Son cercueil est fermé! Dieu l’a jugé! Silence!
Son crime et ses exploits pèsent dans la balance :
Que des faibles mortels la main n’y touche plus!
Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie?
Et vous, fléaux de Dieu! qui sait si le génie
N’est pas une de vos vertus?…

Alphonse de LAMARTINE (1790-1869)

Бонапарте

Есть дикая скала на лоне океана,
С крутых ея брегов, под ризою тумана,
Приветствует тебя, задумчивый пловец,
Гробница мрачная, обмытая волнами,
Вблизи ея лежат обросшие цветами
‎Разбитый скипетр и венец!..

Кто здесь? нет имени!.. спросите у вселенной!
То имя начертал булат окровавленной
От скифского шатра до нильских берегов,
На бронзе, на груди бойцев ожесточенных,
В народных племенах, в мильонах изумленных,
‎Пред ним склонившихся рабов.

Два имени векам переданы веками;
Но никогда ничье громовыми крылами
Не рассекало мир с подобной быстротой!
Нигде ничья нога сильнее не врезала
Следов в лице земли, и грозную сковала
‎Судьба над дикою скалой!..

Вот, здесь его дитя шагами измеряет;
Враждебная пята гробницу попирает;
Громовое чело объято тишиной;
Над ним в вечерней мгле жужжит комар ничтожный,
И слышит тень его один лишь гул тревожный
‎Волны, летящей за волной.

И мир тебе, о прах великого Героя,
Ты цел и невредим в обители покоя!
Глас лиры никогда гробов не возмущал,
Всегда таила смерть убежище для славы,
Ничто не оскорбит удел твой величавый:
‎Тебе потомство трибунал!..

Твой гроб и колыбель сокрыты в мгле тумана;
Но ты, как молния, возник из урагана,
И безымянный муж вселенную сразил.
Так точно славный Нил, под Мемфисом глубокий,
В Мемноновых степях струит свои потоки
‎Еще без памяти, без сил.

Упали алтари; разрушилися троны,
Ты миру даровал победы и законы;
Ты славой наречен над вольностью Царем,
И век, ужасный век, который местью грянул
На царства и богов, перед тобой отпрянул
‎На шаг, в безмолвьи роковом.

Ты грозного числа врагов не устрашался;
Ты с призраком, вторый Израиль, состязался,
И призрак изнемог под тяжестью твоей;
Возвышенных имен могучий осквернитель,
Ты с слабостью играл, как демон-соблазнитель
‎Играет с чашей алтарей.

Так, если старый век, при факеле могильном,
Терзает, рвет себя в отчаяньи бессильном,
Издавши вольный клик, в заржавленных цепях;
То вдруг, из-под земли, Герой неблагодарный
Встает, разит его – и ложь, как сон коварный,
‎Падет пред истиной во прах!

Свобода, слава, честь – мечты очарованья –
Гремели для тебя, как бранные воззванья,
Как отзыв роковой воинственной трубы,
И слух твой, языком невнятным пораженной,
Внимал лишь одному волнению Вселенной
‎И воплю смерти и борьбы!..

И чуждый прав людей, надменный, величавый,
У мира одного ты требовал: Державы!
Ты шел… и пред тобой везде рождался путь,
И лавры на скалах пустынных зеленели!
Так меткая стрела летит до верной цели,
‎Хотя б сквозь дружескую грудь.

И никогда фиал минутного безумья
С чела не разгонял державного раздумья;
Ты пурпура искал не в чаше золотой;
Как воин на часах, угрюмый и бессонный,
Ни вздоха, ни слезы, ни ласки благосклонной
‎Ты не дарил красе младой.

Войну, тревогу, стон, лучи зари багровой
На копьях и мечах любил твой дух суровой,
И только одного товарища в боях
Лелеяла твоя десница громовая,
Когда, широкий хвост и гриву воздымая,
‎Он бил копытом сталь и прах.

Не равный никому гордыней равнодушной,
Ты пал без ропота, судьбе твоей послушной,
Ты мыслил… и презрел и зависть, и любовь!
Как царственный орел, могучий сын эфира,
Один, всевидящий – ты взор имел для мира,
‎И этот взор был: смерть и кровь!

Внезапно овладеть победной колесницей;
Вселенную потрясть могущею десницей;
Попрать одной ногой Трибунов и Царей;
Сковать ярмо любви – из зависти коварной –
Заставить трепетать народ неблагодарный,
‎Освобожденный от цепей!

Быть века своего и мыслию и жизнью,
Кинжалы притупить, рассеять бунт в отчизне,
Разрушить и создать всемирные столпы,
Под заревом громов, надежды неизменной
Оспорить у богов владычество Вселенной…
‎О Сон!.. О дивные судьбы!..

Ты пал, однако, пал – на пиршестве великом,
И плащ властительный ты на утесе диком
Увидел наконец, растерзанный врагом,
И Рок, единый Бог, в которого ты верил,
Из жалости сажень земли тебе отмерил
‎Между могилой и венцом.

О, если б я постиг глубокие мечтанья,
Ужасные плоды того воспоминанья,
Которое тебя покинуть не могло!..
На доблестную грудь бездейственные руки
Ты складывал крестом, и тягостные муки
‎Мрачили грозное чело!

Как пастырь на брегу реки уединенной,
Завидя тень свою в волне одушевленной,
Следит ее вблизи и в недрах глубины;
Так точно на скале, печальный и угрюмой,
Ты гордо вызывал торжественною думой
‎Дни величавой старины;

И, радуя твои внимательные взоры,
В роскошной красоте текли они, как горы,
И слух твой утешал их ропот вековой,
И каждая волна, блестящую картину
Раскинув пред тобой, скрывалася в пучину,
‎И ты летел за ней душой.

Вот здесь ты на мосту в огне, перед громами;
Там степи заметал враждебными чалмами;
Там стонет Иордан, узрев тебя в волнах;
Там горы подавил стопой неодолимой;
Там скипетр обменил твой меч непобедимой;
‎А здесь… Но что за чудный страх?

Зачем ты отвратил испуганные очи?
Бледно твое чело!.. Скажи, во мраке ночи
Что бурная волна к стопам твоим несет?..
Не тяжкой ли войны печальные картины;
Не кровью ли врагов обмытые долины!
‎Но слава, слава всё сотрет!..

Загладит всё она, всё, кроме преступленья;
Но перст ея, но перст… он кажет жертву мщенья –
Труп юноши в крови!.. И мутная волна
Несла его, несла, и снова возвращалась,
И, будто судия, к убийце обращалась
‎С ужасной повестью она!..

А он, как заклеймен печатью громовою,
Он быстро закрывал чело свое рукою;
Но кровь из-под руки прозрачно и светло
Являлась и текла струей неукротимой;
Багровое пятно, как царской диадимой,
‎Венчало бледное чело.

И вот, тиран, и вот за это вероломство
Восстанет на тебя правдивое потомство!
Кровавого пятна ничто не истребит!
Ты выше и славней соперника Помпея;
Но кто, скажи мне, кто – и Мария злодея
‎В тебе невольно не узрит?..

И умер наконец ты смертию народной,
Уснул, как селянин, на пажити бесплодной,
Без платы за труды, с притупленной косой!
Мечом вооружась, как будто для осады,
У Вышнего просить суда или награды
‎Явился ты с твоей рукой.

В последние часы, болезнью изнуренный,
Один, с своим умом, пред тайной сокровенной,
Казалось, он искал чего-то в небесах;
Невнятно лепетал язык его суровый,
Хотел произнести неведомое слово;
‎Но замер голос на устах!..

Окончи… это Бог, Владыка тьмы и славы,
Царь жизни и смертей!.. Он силу и державы
Вручает и назад торжественно берет!..
Ответствуй… Он один поймет непостижимых;
Он судит и казнит царей несправедливых;
‎Ему рабы дают отчет.

Но гроб его закрыт!.. Он там уже… Молчанье!
Пред Богом на весах добро и злодеянье!..
Он там!.. С лица земли исчез великий муж!..
О Боже, кто постиг пути Твоих велений?
Что значит человек? Увы, быть может, гений
‎Есть добродетель падших душ!..

Альфонс де Ламартин
Перевод Александра Полежаева

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